Numéro 11/06 |
A l’occasion des 100 ans de la naissance de Dimitri Chostakovitch, le public a pu bénéficier d’une exposition présentée à la galerie de la Grenette à Sion en septembre dernier.
Par Nicole Coppey
Photo Chab
Visite guidée par Mme Oksana I. Dvornichenko
Placée sous la direction d’Irina Chostakovitch, l’épouse du compositeur russe, cette exposition a été menée en collaboration avec le Centre Chostakovitch à Paris, les archives Chostakovitch à Moscou, Chostakovitch Society UK, Rutgers University USA, la BBC et la ville de Londres.
Grâce à l’initiative de Shlomo Mintz, Directeur artistique du festival de Sion-Valais, il a été possible de découvrir des documents inédits ou jamais exposés en dehors de Moscou, dont certains ont été sauvés après avoir été condamnés à la destruction par le régime soviétique. Merveilleuse initiative qui a permis à maintes personnes de découvrir ou de redécouvrir une grande personnalité de notre siècle, un des plus riches coloristes de notre temps, un maître de l’orchestration, un artiste sincère, éclectique, un humaniste.
Agrémentée d’un film, 'The family album' réalisé par Oksana I. Dvornichenko, cette exposition a été accompagnée d’un concert magistral interprété par des musiciens de premier rang (Hagai Shaham, Natalia Lomeiko, Shlomo Mintz, Alexander Ivashkin, Pavel Gililov) En soi, une vraie fête pour commémorer les 100 ans du compositeur, fortement marqué de son vivant par le contexte politique et idéologique, honoré puis censuré par le régime stalinien.
L’époque…
Rappelons qu’à la fin de la guerre, la censure qui vise les artistes devient de plus en plus stricte. Chostakovitch n’échappe pas à la réforme de l’Union des compositeurs de Jdanov qui l’accuse de formalisme, c’est-à-dire d’une conception de l’« art pour l’art », et non pour glorifier le régime.
Galina Vichnievskaïa témoignera dans ses Mémoires de l’atmosphère lourde qui pèse alors sur le compositeur : « Chostakovitch était assis tout seul dans une rangée de sièges vides. C’est une coutume à nous ça, personne ne se met à côté de la victime. Comme une exécution publique. C’en était une d’ailleurs. La seule différence, c’est qu’au lieu de vous supprimer, les bourreaux ont la magnanimité de vous laisser vivre couvert de crachats. » Il faut encore savoir que même son propre fils Maxime est contraint de le condamner publiquement en classe.
La restriction artistique imposée par Staline enlève à Chostakovitch toute liberté de s’exprimer comme il le veut à travers sa musique, un Staline tantôt interdisant ses oeuvres, tantôt les encourageant. Jusqu'à la mort de Staline, le compositeur sut tenir une position équilibrée entre les oeuvres nationalistes et de circonstance et les exigences de sa propre inspiration musicale.
Quelques éclairages sur sa vie
Dmitri Chostakovitch est né à Saint- Pétersbourg le 25 septembre 1906 d’une famille originaire de Pologne, opposée à l’occupant russe. Il a toujours vécu dans une atmosphère inquiète. Sa mère est bonne pianiste, son père fait du chant en amateur. Dmitri débute le piano à neuf ans avec sa mère, excellente pédagogue. Lorsque son père meurt, il a 16 ans et pour nourrir la famille, il joue du piano dans les cinémas muets. Glazounov s’occupera de sa personnalité musicale.
A 19 ans, Chostakovitch conquiert une célébrité mondiale grâce entre autres à sa Première symphonie. Il compose également des opéras dont Le nez mais également Lady Macbeth qui sera l’oeuvre par qui le scandale arrive. Staline, assisté de Jdanov, en dit : « Ce sont des inepties, pas de la musique ! ». Chostakovitch, terrassé par l’idée d’être déporté, dort sa valise au pied du lit. Il écrit à un ami : « s’ils me coupent les deux mains, je tiendrai ma plume entre les dents et je continuerai à écrire de la musique ».
La Cinquième symphonie, créée au plus fort de la terreur stalinienne, bouleverse le public. A Moscou, c’est un véritable triomphe. En 1941, en pleine guerre, il dédie sa Septième symphonie à « notre combat contre la fascisme, à notre victoire inéluctable sur l’ennemi et à Leningrad, ma ville natale ». Peu après la composition de sa Dixième symphonie, Chostakovitch est nommé « artiste du peuple » et reçoit un prix international de la paix en même temps que Charlie Chaplin.
Son concerto pour violon dédié à David Oïstrakh est un succès retentissant. A la composition de la Onzième symphonie, il reçoit le prix Lénine et obtient le grade de Commandeur des Arts et des Lettres en France ainsi que le grade de docteur honoris causa.
En 1958, il joue ses deux concertos pour piano au Palais de Chaillot, mais ce sera la dernière fois qu’il se produira sur scène car une étrange paralysie viendra peu à peu le handicaper. Il triomphe également avec son Premier concerto pour violoncelle dédié à Rostropovitch. A cette époque il est poussé à entrer au parti communiste.
Sa Treizième symphonie est écrite à partir de poèmes évoquant les milliers de juifs assassinés par les nazis à Babi Yar, mais l’oeuvre ne peut être jouée qu’à condition que le texte ne figure pas dans le programme du concert.
Relevons encore ses nombreuses compositions dans des styles différents: symphonie de chambre, concerti, sonates, trios, quatuors, quintette (qui lui vaut le prix Staline), musique de film, musique de dessin animé, ballets, cycle de préludes et fugues, cycles vocaux, musique traditionnelle russe, musique dite « jazz », etc... Il avait également le goût pour les beaux-arts, les jeux et le football.
Après 69 ans de vie acharnée, Chostakovitch meurt le 9 août 1975, laissant derrière lui un ultime chef d’oeuvre, la Sonate pour alto et piano. Aller à la découverte ou à la redécouverte de l’oeuvre et de la personne de Chostakovitch, compositeur énigmatique et fascinant célébré dans le monde entier, est d’une grande richesse. Boris Assafiev déclara : « (...) depuis la Cinquième symphonie, tout ce qui concerne l’homme vit et vibre dans la musique de Chostakovitch, à tel point qu’elle peut être considérée comme le pouls de l’actualité (...) Elle sonne comme le récit véridique des inquiétudes de l’humanité d’aujourd’hui : non pas de l’homme, de l’individu, mais de l’humanité tout entière… »
Schostakowitsch-Ausstellung in Sion
Aus Anlass des 100. Geburtstags von Dmitri Schostakowitsch wurde im September in der Galerie de la Grenette in Sion unter der Obhut von Irina Schostakowitschm der Witwe des Komponisten, eine Ausstellung gezeigt.
Dank der Initiative von Shlomo Mintz, des Direktors vom Festival Sion-Valais, konnten dabei unveröffentlichte Dokumente gezeigt werden, die bisher noch nie ausserhalb Moskaus zu sehen waren.
Dies erlaubte den Besucherinnen und Besuchern, eine grosse Persönlichkeit des vergangenen Jahrhunderts zu entdecken oder wieder zu entdecken.: einen der reichsten Klangfarben-zauberer unserer Zeit, ein Meister der Orchesterbeherrschung, ein aufrichtiger Künstler und Humanist. Zum Begleitprogramm der Schau gehörte der Film The family album von Oksana I. Dvornichenko. Wer wollte, konnte sich von der Regisseurin zudem durch die Ausstellungführen lassen. Weiter fand ein Meisterkonzert mit ersstrangigen Interpreten statt. Auf dem Konzertprogramm stand unter anderem ein unvollendetes Streichquartett des Komponisten, das in Sion seine Uraufführung erlebte.
Der Anlass wurde so zu einer würdigen Feier Schostakowitschs, der während seines ganzen Lebens stark durch den politischen und ideologischen Kontext geprägt war, vom stalinistischen Regime bald gefeiert, bald zensuriert.
Übersetzung: Philipp Zimmermann